46,29 % de participation à La Chaux-de-Fonds : une abstention coupable ?

Publié le 27 Septembre 2012

Selon d'innombrables opinions superficielles savamment distillées, c'est l'abstentionnisme élevé de La Chaux-de-Fonds qui a enterré le RER.


abstentionnisme

 

 

Or, la participation électorale de notre ville est absolument conforme à la tendance de ces dernières années en matière de votations ou d'élections cantonales. En moyenne on y vote moins de 4 à 5 % que la moyenne cantonale. Les 9000 oui (71,2 %) sont un plébiscite pour le RER et aucune commune n'a fait mieux. On peut donc paradoxalement affirmer qu'il y a eu dans notre ville un magnifique élan citoyen malgré une participation moyenne.

 

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La proportion de oui par communes dans le canton 

 


 

Votations et date Moyenne cantonale Taux de participation CDF        Ecart
RER 2012 51,37 46,29 5,08
Loi sur l'électricité 2012 30,91 26,65 4,26
Elections communales 2012 33,36 31,01 2,35
Salaire minimum 2011 28,42 23,63 4,79
Election Grand Conseil 2009 36,91 32,30 4,61
Eligibilité étrangers dans les communes 2007 42,80 38,09 4,71
       

Tableau de quelques votations récentes avec le taux de participation


 

 

C'est un fait que le 23 septembre les villes ont moins voté que les campagnes comme le montre la carte ci-dessous. La ville de Neuchâtel en est à 45,75 %, Peseux à 45,4 %, Boudry à 46,6 % et Le Locle à 48 % (La Chaux-de-Fonds est à 46,29 %).

 

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Pourquoi alors n'avons-nous pas eu davantage encore de votants à La Chaux-de-Fonds, particulièrement concernée par le RER ? J'avancerais quelques hypothèses et raisons.

 

a) La confiance des Chaux-de-Fonniers à l'égard de leurs autorités communales serait en baisse ces dernières années, ce qui les détacherait davantage de l'esprit civique. D'autre part, la précarité y touche en moyenne plus de citoyens qu'ailleurs dans le canton. Cette distance élus-citoyens est corrélative de l'effritement du parti dominant qui n'a plus qu'un siège à l'exécutif depuis le 13 mai.

 

b) Les Chaux-de-Fonniers sont peut-être mal placés pour s'enthousiasmer en plus grand nombre encore pour un projet ferroviaire, eux qui vivent dans la ville la plus "pro-bagnole" d'Europe. 

 

c) Un certain nombre d'électeurs peu convaincus par le projet seraient restés à la maison par esprit de solidarité avec leur ville. Plutôt que de voter non, ils se seraient abstenus. Sous cet angle, l'UDC cantonale prônait le NON, l'UDC de La Chaux-de-Fonds s'était engagée pour le OUI. Ces électeurs auraient normalement fait augmenter le taux de participation mais pas forcément le taux d'acceptation, Jolicoeur !

 

d) Les communautés étrangères ne se seraient pas autant mobilisées que pour les élections communales de mai où l'écart entre La Chaux-de-Fonds et la moyenne cantonale était plus faible (2,36 %) que d'habitude.  Les citoyens étrangers représentent 21 % des électeurs, soit environ 6'000 personnes sur 28'500. Le 13 mai, ils étaient 1131 (18,76 %) à choisir leurs autorités communales mais seulement 424 à se prononcer en juin sur la loi sur l'électricité (7,28%).

 

N.-B. publiée le 14 octobre) Les statistiques officielles publiées pour le 23 septembre infirment mon hypothèse : les étrangers ont été 1249 à voter, soit 20,8 %.


 

Mes quatre petites hypothèses valent bien moins que l'analyse du professeur Schuler parue dans Le Temps de ce jour. En voici un extrait lié à notre problématique :

 

Vu l’étroitesse du vote, le Haut peut constater qu’il aurait pu gagner cette bataille avec une plus forte participation: avec une participation égale dans toutes les communes neuchâteloises, le oui l’aurait emporté avec plus de 1000 voix d’avance. S’y ajoutent les effets de l’érosion démographique du Haut. Il y a quelques années encore, la constellation d’aujourd’hui aurait permis à ceux du Haut de gagner un vote aussi serré. Certes, le clivage séculaire entre le Haut et le Bas s’est atténué au cours des dernières années et a fait place à une certaine indifférence. Or, si dans le passé Haut et Bas luttaient dans la même catégorie de poids, les villes du Haut ont vu leur influence constamment diminuer, jusqu’à être privées, le 23 septembre 2012, du réflexe de solidarité que les communes du Bas lui avaient accordé à d’autres occasions.

 

 

En conclusion, les 9000 oui chaux-de-fonniers sont la générosité même mais nous renvoient comme dans un miroir la situation de notre ville. Admettons-le sans orgueil ni lamentation, mais avec une lucidité dont les pourfendeurs de l'esprit du Haut manquent trop souvent.

 

 

 

 

 

Annexe : article du professeur Schuler

 

 

DÉBATS jeudi 27 septembre 2012
RER-Transrun, la géographie d’un échec
Martin Schuler
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Géographe, professeur à l’EPFL dans l’unité intitulée Communauté d’études pour l’aménagement du territoire
 
L’avis de l’expert 

Le projet neuchâtelois, qui a échoué dans les urnes dimanche passé, s’inscrivait dans une longue série de nouvelles lignes de RER à travers la Suisse. A l’origine du refus, le réflexe communal, l’absence de solidarité, mais aussi un manque de prise en compte des intérêts périurbains

Depuis le début des années 1990, les régions et agglomérations suisses ont développé des systèmes de «Réseaux express régionaux», une organisation des transports à l’échelle des régions se basant sur la densification de l’offre via un horaire cadencé, de meilleures connexions, des gains de temps et, dans la plupart des cas, des lignes diamétrales, c’est-à-dire ne faisant pas terminus à la gare centrale. En outre, l’introduction d’une communauté tarifaire entre les différents prestataires de transports (chemin de fer, bus urbains et régionaux) est un atout supplémentaire important pour les clients, qui va de pair avec l’offre RER.

Jusqu’ici, 12 RER ont vu le jour en Suisse. Zurich (1990), Berne (1995) et Bâle (1997) ont joué les précurseurs, Saint-Gall a suivi en 2001. Par la suite, la politique des agglomérations a fortement accéléré le processus avec l’entrée en fonction de huit nouvelles offres régionales, allant de Vaud (2004) à Fribourg (en 2011). En 2017, le réseau genevois sera le 13e du genre. L’Arc jurassien est donc la dernière région à vouloir se doter d’un tel système. Une région en retard sur l’évolution générale, mais pionnière sur le plan conceptuel. En effet, à part Zurich, qui a dû percer le tunnel du Zurichberg afin de permettre des lignes directes et le futur CEVA à Genève, aucun autre projet n’avait impliqué la construction d’un nouvel axe pour la réalisation du concept. Neuchâtel a cherché à mettre en place une innovation à la fois technologique et visionnaire sur le plan territorial: un métro urbain reliant deux agglomérations qui n’en formeraient dorénavant plus qu’une seule et qui devait constituer l’axe central de l’offre RER.

Le projet a échoué de justesse. Dans les analyses du scrutin, la question du prix du projet est mise en avant pour expliquer la défaite. L’aspect crucial du vote négatif réside pourtant dans la répartition géographique qui ne pourrait être plus claire. Un vote de sanction spatiale, expression d’un manque de solidarité, un cruel calcul d’intérêts individuels ou communaux.

Les différences du taux d’acceptation entre les communes (voir la carte, LT du 24.09.2012) traduisent clairement les logiques du projet: le Haut contre le Bas, opposant les habitants qui se seraient retrouvés rapprochés des centres à ceux qui le sont déjà; les urbains (les trois villes) contre les périurbains et les ruraux. Finalement, la carte du vote dessine une opposition entre les habitants qui se seraient trouvés sur la nouvelle ligne et ceux qui auraient perdu la ligne existante par Les Hauts-Geneveys: le cœur du Val-de-Ruz (Cernier) et ceux des communes de l’ouest de la vallée. Enfin, le Val-de-Travers, distant et fortement opposé à un projet qui ne lui semblait apporter que peu d’avantages.

Cette géographie du vote par commune n’apparaît donc pas liée aux gains de temps qu’une offre RER régionale aurait conférés à chacun, mais semble plutôt exprimer le degré de satisfaction que le gain de temps relatif par rapport aux autres aurait apporté – pour le Haut – ou le degré de jalousie qu’une perte relative aurait causé. Le vote des Neuchâtelois a sanctionné le Transrun et il a oublié l’offre RER. Il a sanctionné la construction du double tunnel sous Chaumont et la Vue-des-Alpes (et l’abandon de la ligne de 1860) et il a négligé tout le système régional qui, lui, aurait apporté des améliorations généralisées.

Des reproches ont été adressés aux responsables du projet sur le fait de ne pas avoir suffisamment bien vendu le RER. Pourtant, il ne s’agit peut-être pas prioritairement d’une question de communication, mais plutôt du fait que l’idée du projet n’avait plus, en 2012, la même signification que lors de son lancement. La renaissance de l’urbain qui s’est traduite par la transformation des centres, y compris ceux de Neuchâtel, de La Chaux-de-Fonds et du Locle, a appelé des solutions de transports pour relier ces lieux. Le Transrun était l’expression de la valorisation des villes; il était conçu comme la contribution de Neuchâtel au réseau des villes suisses. C’était là sa force, sa nouveauté et, finalement, son aspect techniquement valorisant. En contrepartie, cette focalisation sur l’urbanité de Neuchâtel n’a pas tenu compte du reste du territoire; il s’agit d’un oubli des aménagistes de l’époque. Le canton de Neuchâtel, contrairement aux autres cantons suisses, n’a pas développé de plan directeur au début des années 2000 et ne s’est ainsi jamais exprimé sur le destin des différentes parties du canton. Le fait de traiter le canton comme s’il constituait une seule agglomération urbaine a passé au second plan les préoccupations régionales et locales. Concrètement: quel rôle était prévu dans le projet soumis à votation pour le Val-de-Ruz? Une nouvelle ville entre-deux avec centralisation des fonctions publiques? La poursuite du processus de périurbanisation? Ou encore un «Central Park» préservé du bâti? On peut aussi légitimement s’interroger: pourquoi le RER neuchâtelois devait-il uniquement s’inscrire dans les limites cantonales? Presque partout ailleurs, il s’agit de systèmes pluri-cantonaux. Le RER est même transfrontalier à Bâle, au Tessin, à Schaff­house et il le sera à Genève. Quid de la France voisine vers Pontarlier et Morteau, de l’intégration du vallon de Saint-Imier et des Franches-Montagnes ainsi que des liaisons vers Bienne, Yverdon-les-Bains et surtout vers Berne?

Sans cette focalisation conceptuelle sur le nouveau tronçon et le gain de vitesse qui y était lié, le projet aurait pu passer la rampe, car la solidarité cantonale aurait eu plus de légitimité. Vu l’étroitesse du vote, le Haut peut constater qu’il aurait pu gagner cette bataille avec une plus forte participation: avec une participation égale dans toutes les communes neuchâteloises, le oui l’aurait emporté avec plus de 1000 voix d’avance. S’y ajoutent les effets de l’érosion démographique du Haut. Il y a quelques années encore, la constellation d’aujourd’hui aurait permis à ceux du Haut de gagner un vote aussi serré. Certes, le clivage séculaire entre le Haut et le Bas s’est atténué au cours des dernières années et a fait place à une certaine indifférence. Or, si dans le passé Haut et Bas luttaient dans la même catégorie de poids, les villes du Haut ont vu leur influence constamment diminuer, jusqu’à être privées, le 23 septembre 2012, du réflexe de solidarité que les communes du Bas lui avaient accordé à d’autres occasions.

Ce vote a enterré le Transrun, mais une nouvelle solution de RER neuchâtelois alternatif paraît inéluctable afin de rapprocher les deux parties qui ont exprimé un clivage si profond. L’enjeu est avant tout de répondre à la demande de transport croissante et d’éviter la perspective de l’engorgement routier qui semble promis à l’axe de la Vue-des-Alpes. Nous ne pouvons que souhaiter la réalisation d’un RER de l’Arc jurassien, avec intégration des voisins jurassiens, bernois et transfrontaliers, comportant une augmentation des cadences, de meilleures connexions et le renforcement indispensable de l’axe central existant pour gagner les sept minutes nécessaires afin de s’inscrire dans un horaire cadencé. Un tel gain avec un nouveau tunnel à Chambrelien s’inscrirait bien dans une cadence de 30 ou même 15 minutes. Par contre, ce gain ne suffira pas pour rejoindre Lausanne, Genève, Berne ou Bâle en un laps de temps acceptable pour des trajets pendulaires quotidiens vers ces centres. Le gain de 14 minutes qu’aurait offert le Transrun n’aurait d’ailleurs pas non plus eu cet effet.

On se souviendra avec à-propos que c’est après avoir refusé en 1973 un projet de métro que Zurich a développé son système de S-Bahn. L’échec du Transrun est certes regrettable; il ne devrait cependant pas bloquer la recherche de solutions alternatives, certes moins spectaculaires, mais néanmoins capables de répondre au besoin urgent d’un système RER et d’une meilleure accessibilité de toute cette partie de l’Arc jurassien.

 

 

Rédigé par Daniel Musy

Publié dans #Lien Commune-Canton

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M
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