Retour sur les inhumations de longue durée

Publié le 7 Décembre 2010

Voici l'intégralité de mes interventions du 28 juin 2010 lors du Conseil général qui a accepté la création d'un massif d'inhumations de longue durée. Il permettra en particulier aux musulmans d'enterrer leurs morts selon l'esprit de leurs croyances.

 


 

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Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,


Le Parti socialiste, disons-le d'emblée, acceptera le rapport du Conseil communal sur toute la ligne, mais proposera un amendement à l'arrêté soumis au vote. Nous vous le présenterons tout à l'heure.


C'est un honneur pour le Conseil communal, et en particulier pour le Chef du dicastère concerné, de présenter un rapport si essentiel aujourd'hui, sept ans après la promulgation de la nouvelle loi cantonale et à un mois de la retraite de l'élu en question. C'est un honneur pour nous d'y adhérer pleinement, dans sa philosophie qui correspond aux valeurs que nous défendons et voulons promouvoir.


Premièrement, la nouvelle loi permet de réfléchir au rapport des humains à la mort. Certes, en droit, chacun est égal devant la mort, riches ou pauvres, croyants ou athées, chrétiens, musulmans, juifs, bouddhistes ou autres. Mais, dans les faits, nous ne mourons pas d'une manière égale les uns aux autres. Certains meurent soudainement et laissent leurs familles démunies, d'autres meurent seuls, d'autres encore, suisses ou étrangers, ne peuvent enterrer leurs morts selon leurs croyances. Les musulmans étrangers, en particulier, se sentent obligés d'expatrier le corps d'un défunt, faute de pouvoir l'enterrer chez nous, selon un minimum de rites qui leur sont propres.


Profitons ici de rendre hommage au Président d'alors de la Commission neuchâteloise pour l'intégration des étrangers, notre cher ami Jean Grédy, ancien député chaux-de-fonnier libéral, très grand homme politique malheureusement disparu l'année passée, qui a beaucoup travaillé à l'élaboration de cette loi cantonale.


Dans ce sens, la nouvelle loi cantonale et le nouveau règlement communal permettent de corriger ce qui, pour nous, constitue une inégalité devant la mort.


Deuxièmement, cette loi nous offre une belle illustration des bienfaits de la laïcité par intégration, à savoir, nous permettre de vivre ensemble, sans nous affronter, dans le respect de nos différences et de notre commune liberté. Notre commune liberté est-elle menacée dans son intégrité par ce nouveau règlement ? Pour tenter de répondre, nous caractériserons d'abord la laïcité par deux idées : l'idée d'extériorité et l'idée de dépossession. L'extériorité de l'État, tout d'abord, vis-à-vis des églises par rapport aux questions religieuses : l'État ne détient pas de vérités en matière de religion ou d'athéisme. Mais aussi, l'extériorité des églises, vis-à-vis de l'État : aucune religion ne peut posséder l'État, ni exiger qu'il se conforme à elle.


Ensuite, et c'est corrélatif, la laïcité c'est se déposséder de la vérité. Les religions doivent admettre (ce qui peut ne pas être facile) qu'elles ne possèdent pas la vérité, mais les républicains, les laïques et les athées doivent aussi admettre qu'ils ne peuvent s'approprier l'État, ni surtout la vérité sur la laïcité. Or, pour nous, l'esprit de la laïcité, c'est la laïcité de l'esprit, cette capacité à se déposséder de l'idée qu'on a une vérité à impo ser aux autres, aux minorités religieuses en particulier, sous peine de les exclure de la Communauté.


Comme les musulmans de notre canton sont d'accord d'assouplir leurs règles d'inhumation, de ne plus être séparés absolument des autres, d'avoir des tombes pour l'éternité, d'enterrer le mort dans un linceul, de l'enterrer dans les plus brefs délais, nous ne verrions pas pourquoi notre Commune ne réviserait pas aussi modestement ses lois.


Non, Mesdames, Messieurs, Chers collègues, Monsieur le Président, ce nouveau règlement ne menace pas la laïcité de notre République, telle que nous l'avons définie, ni nos libertés communes. Il est remarquable, dans le sens où chacun a fait un pas vers l'autre. C'est la raison pour laquelle nous accepterons le rapport du Conseil communal et les arrêtés dans leur intégralité, en leur ajoutant un alinéa à l'article 2. Nous en parlerons tout à l'heure. Je vous remercie.

 

 (…)

Réponse à la proposition d’un amendement UDC visant à n’autoriser que les inhumations à la ligne.

 

Je comprends tout à fait le souci de mon collègue UDC M. Hess. Quand on est chrétien et que l'on tient à des principes fondateurs de ses propres croyances, je comprends que cela puisse un peu gêner que les personnes d'une autre croyance veuillent être enterrées les unes à côté des autres, dans une région et une culture à dominance chrétienne. Mais, je comprends aussi, dans un premier temps, la position inverse des athées, qui disent qu'un cimetière n'est pas du tout fait pour des religions, mais uniquement pour des humains.


Mais, ici, nous sommes en face de quelque chose que l'on appelle la tolérance. La tolérance, dans son sens vraiment profond, c'est accepter qu'un propos, qu'une action ou qu'un événement qui nous dérange un peu puisse quand même coexister avec nous. Je crois qu'il faut faire un plaidoyer de cet esprit de tolérance et accepter les principes de la croyance des musulmans, comme l'a très bien expliqué M. Hainard.


J'ajouterai une quatrième raison aux explications de M. Hainard. Les musulmans croient qu'avant le jour du jugement dernier, les corps, qui auront été visités par un ou deux anges, sortiront ensemble des tombes, se rassembleront et passeront sur un pont qui les amènera au jugement der- nier, d'une certaine façon, comme chez les chrétiens et les juifs, si je ne me trompe pas. Ici, cela correspond à une petite concession que l'on fait pour la croyance de cette communauté qui représente 12% de notre population.


Je comprends aussi tout à fait l'argument qui consiste à dire que dans des cimetières militaires de la 1ère ou 2ème guerre mondiale, tout le monde est aligné. Il faut quand même bien faire deux distinctions : une guerre, ce n'est pas une ville. Nous sommes une ville vivante, multiculturelle. De plus, dans ces cimetières-là, les croix sont parfois des mémoriaux qui ne correspondent pas forcément à un corps enterré dessous. Ce sont deux petites nuances par rapport à l'argumentation de notre collègue qui devrait, je l'espère, tout comme son groupe, faire ce pas, ce que va vraisemblablement faire une majorité de ce Conseil en acceptant le rapport du Conseil communal, tel quel.

 

(…) 

Mon amendement

Le rapport est excellent dans ses principes. Il nous demande d'accepter un nouveau règlement, mais son manque est ce que l'on pourrait appeler son "échéancier". Nous avons, en ce moment, un cimetière avec de larges parties à disposition. Il suffit de se renseigner auprès des compétentes pour savoir que nous n'avons pas à créer ou à acheter de nouveaux terrains. Dès lors, nous souhaitons que l'acte d'acceptation de ce nouveau règlement se manifeste par une création, à moyen terme, d'un massif pour des inhumations de longue durée.


Nous proposons à notre Conseil que le Conseil communal pourvoie la création (c'est-à-dire qu'il décide de créer) dans les 18 mois après l'entrée en vigueur du présent arrêté (c'est-à-dire aujourd'hui), ce massif, pour qu'effectivement, nous puissions offrir aux musulmans en particulier, mais aussi aux athées, chrétiens ou autres, cette possibilité d'un enterrement pendant 60 ans.


Rédigé par Daniel Musy

Publié dans #Réflexions générales

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